Carlita

L'anorexie, la boulimie sont des symptômes. Pas un caprice, pas une maladie à elle seule, pas une fatalité, ce sont les résultats latents ou non d'un passé chaotique. Tout cela n'a pas grand chose à voir avec le souhait de devenir mince et de faire un régime. On parle de dualité, dans le cerveau deux personnes s'affrontent comme dans un mauvais dessin animé, le diable et l'ange. Cette bataille qui fait rage là-haut s'exprime par ce contrôle illusoire de sa propre personnalité, de son propre corps.

(...)

Le raccourci "prise de poids" et "guérison" est encore trop employé, que ce soit dans le milieu médical ou de la famille (...) Il ne suffit pas de reprendre forme pour l'accepter. Il ne suffit pas de manger pour vivre. Comme il ne suffit pas d'ouvrir les lèvres pour respirer. Accepter son corps, c'est faire la paix avec son passé, mon passé. L'anorexie ou la boulimie ne s'est pas immiscée chez moi au hasard.

(Claire - Les filles du calvaire : le ventre vide, le froid autour - 2011)

Where do you go, fantastic dreambird ?
Take me away to somewhere
Take me away from here !

Et ce fantôme se promène
Là, sous l'apparence gît le blème...

Jour après jour, derrière les apparences, la lutte pour avancer. Surmonter ce passé qu'elle n'arrive pas à affronter. Surmonter les doutes, l'incapacité à être. Tourner enfin la page, trente ans après. Mais l'anorexie a pris toute la place.

Et après chaque repas, les nausées, le regret d'avoir mangé...

Est-ce que c'est parce que j'ai pas d'coeur

Qu'j't'ai pas entendu mourir ?

(Linda Lemay)

grain par grain le sablier

effrite son corps pour le plier...

un oiseau de plus

un oiseau de moins

tu sais la différence

c'est le chagrin

(Michel Polnareff)

Etre frêle, chétive, ce n'est pas chercher à se faire protéger, c'est trop tard. Etre à demi-morte, fantômatique, c'est tantôt se blinder contre le quotidien, tantôt se faire reconnaître en tant que souffrante. En devenant ectoplasme, on légitime le mal-être tapi, on cherche à faire comprendre que le mal est là et qu'il devient invivable de côtoyer soi-même tous les jours.

(Claire - Les filles du calvaire : le ventre vide, le froid autour - 2011)

Détruire ce corps qui porte son empreinte.

Un petit feu de toi qui s'éteint pas...

Trois ans dans un mois, et l'oubli qui ne vient toujours pas.